Point de départ de la prescription de l’action en indemnisation d’une victime d’un accident de la circulation (Cass. Civ. 2ème 21 novembre 2019)

Dans un arrêt du 21 novembre 2019 (lien ici), la Cour de cassation rappelle, conformément à une jurisprudence constante (voir Cass. Civ 2ème, 4 mai 2000 n° 97-21731),  que le point de départ de la prescription de dix ans en matière d’accident de la circulation est la date de la consolidation, retardé, pour les victimes mineures à cette date, au jour de leur majorité.

Rappelons que par principe, selon l’article 2226 du Code civil « l’action en responsabilité née à raison d’un évènement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de consolidation du dommage initial ou aggravé ».

L’article 2270-1 ancien du Code civil (applicable aux faits de l’espèce) disposait quant à lui que « les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation », tandis que l’article 2252 ancien du même code (également applicable aux faits de l’espèce) disposait que « la prescription ne court pas contre les mineurs non émancipés et les majeurs sous tutelle » (dispositions reprises par l’actuel article 2235 du Code civil).

Dans notre affaire, la victime avait été blessée dans un accident de la circulation impliquant un véhicule terrestre à moteur, survenu le 02 janvier 1997, alors qu’elle avait 12 ans.

Conformément au dispositif prévu par la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, dite « Loi Badinter« , facilitant et accélérant l’indemnisation des victimes d’accident de la circulation, une expertise médicale amiable contradictoire avait eu lieu, laquelle avait fixé au 25 mai 2002 la date de consolidation.

Dans ce cadre, une offre d’indemnisation définitive avait été formulée par l’assureur du véhicule impliqué dans l’accident, laquelle avait été acceptée.

Plusieurs années se sont écoulées au cours desquelles l’état de santé de la victime s’est aggravé.

Une seconde expertise amiable contradictoire a été organisée le 17 septembre 2013 ; expertise à la suite de laquelle la victime (majeure depuis le 04 septembre 2003) a assigné l’assureur en indemnisation de l’aggravation de son dommage corporel et en réparation de certains postes de préjudice non inclus dans la transaction de 2004, à savoir :

– L’assistance d’une tierce personne ;

– Une partie du préjudice professionnel (en l’espèce, les perte de gains professionnels futurs).

L’assignation datait du 06 juin 2014.

L’assureur a soutenu que les demandes de la victime étaient irrecevables comme prescrites, plus de dix ans s’étant écoulés depuis la date de consolidation du dommage (25 mai 2002) et, à tout le moins, de la majorité de la demanderesse (04 septembre 2003).

Sans doute estimait-il que la victime saisissait l’opportunité de l’évaluation de l’aggravation de son préjudice pour formuler des demandes relevant du préjudice initialement retenu, omises au moment de la transaction.

La Cour d’appel de PARIS a pourtant jugé que les demandes formulées par la victime étaient recevables dans la mesure où :

S’agissant de l’assistance d’une tierce personne, la victime n’avait pu exercer ses droits qu’à partir du moment où elle avait été en mesure de les connaître et de les quantifier (conformément au principe général posé par l’article 2224 du Code civil), soit à la date de la seconde expertise médicale, en 2013.

S’agissant du préjudice professionnel, celui-ci ne pouvait raisonnablement pas être appréhendé et quantifié, pour une lycéenne devenue bachelière à 18 ans, avant l’âge de ses 20 ans (en l’occurrence le 04 septembre 2005).

Mécontent de l’arrêt rendu par la Cour d’appel, l’assureur a décidé de se pourvoir en cassation.

Aux termes de sa décision, rendue le 21 novembre 2019, la Cour de cassation fait droit au pourvoi et casse l’arrêt en retenant que « le délai décennal de prescription avait commencé à courir à compter du 4 septembre 2003, date de la majorité de la victime, (et) était expiré au 6 juin 2014 » (date de l’assignation).

La Cour de cassation ne se préoccupe pas (mais cela avait-il été soutenu par la demanderesse à un moment ou à un autre de la procédure ?) de la question de l’aggravation du préjudice qui, en l’espèce, aurait pu justifier, à partir de la fixation d’une nouvelle date de consolidation liée à l’état aggravé, le point de départ d’un nouveau délai de prescription de 10 ans.

Sachant en effet qu’en vertu de l’article 2226 du Code civil (comme avant lui l’article 2270-1) la prescription ne court qu’à compter de la date de consolidation du dommage initial ou aggravé.

Il appartiendra donc aux victimes de soutenir systématiquement ce moyen lorsque les circonstances le permettront, et ce d’autant plus que dans un arrêt du 1er juillet 2010 (Cass. Civ. 2ème n° 09-68578 – lien ici), la Cour de cassation a admis que la forclusion en matière de saisine de la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) ne pouvait pas être opposée en cas d’aggravation du préjudice initial lorsque l’état de santé de la victime avait empiré au delà de ses prévisions (l’aggravation ayant été jugée alors par la Haute Juridiction indissociable du préjudice initial…).

N’hésitez pas à contacter Maître Bourdet afin de lui exposer la situation dans laquelle vous vous trouvez ou la difficulté à laquelle vous êtes confronté.