L’impossibilité d’avoir des enfants biologiques relève du préjudice d’établissement (Cass. Civ. 1ère, 11 décembre 2019)

Préjudice d'établissement Avocat indemnisation des préjudices corporels

Aux termes d’un arrêt rendu le 11 décembre 2019 (lien ici), la Cour de cassation souligne que la victime d’une exposition au Distilbène, que les pathologies consécutives ont rendu infertile, subit un préjudice d’établissement qu’il y a lieu d’indemniser.

Il s’agit d’une application du principe de réparation intégrale des préjudices sans perte ni profit pour la victime.

Selon la Nomenclature Dintilhac, parmi les postes de préjudices dont la victime est fondée à demander réparation suite à l’événement traumatique qu’elle a subi, figure le préjudice d’établissement, à savoir l’indemnisation de « la perte d’espoir, de chance ou de toute possibilité de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap permanent, dont reste atteinte la victime après sa consolidation. Il s’agit de la perte d’une chance de fonder une famille, d’élever des enfants et, plus généralement, des bouleversements dans les projets de vie de la victime qui la contraigne à certains renoncements sur le plan familial ».

La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que l’impossibilité de procréer relève bien de la notion de préjudice d’établissement, comme étant un « handicap grave et permanent », « entraînant la perte d’espoir et de chance normale de réaliser un projet de vie familiale » (voir Cass. 1ère Civ., 14 novembre 2019, n° 18-10794 cet arrêt soulignant également que le préjudice en résultant doit être distingué du déficit fonctionnel permanent).

Notre cas d’espèce concerne la victime d’une exposition in utero au Distilbène (médicament censé limiter les risques de fausse couche), prescrit en France entre 1955 et 1977 à 160.000 femmes pendant leurs grossesses.

Or, il s’avère que les filles et petites-filles de ces femmes subissent des anomalies génitales d’une fréquence inhabituelle, pouvant entraîner la stérilité.

En l’occurrence, au cours de la procédure en liquidation des préjudices engagée contre les laboratoires pharmaceutiques, la Cour d’appel de Versailles a jugé qu’il y avait lieu de faire droit à la demande d’indemnisation formulée par la victime au titre du préjudice d’établissement, lié à son infertilité et à l’impossibilité qu’elle aurait d’élever des enfants biologiques.

Les laboratoires pharmaceutiques se sont pourvus en cassation en objectant que les juges du fond n’avaient pas caractérisé l’existence d’un handicap grave et permanent entraînant une perte de chance de réaliser un projet de vie familiale (sous-entendant par la même que l’on pouvait élever des enfants non biologiques dans le cadre d’un projet de vie familiale et que le handicap subi n’était donc pas si grave).

Aux termes de la décision rendue le 11 décembre 2019 la Haute Juridiction rejette le pourvoi sur ce point en relevant de manière lapidaire que la Cour d’appel a caractérisé le préjudice d’établissement lorsqu’elle retient que la victime a perdu tout espoir de fonder une famille en raison des pathologies dont elle est victime.

Par cette jurisprudence, la Cour de cassation entend insister sur le fait que l’infertilité relève bien du préjudice d’établissement dans la mesure où elle doit être considérée comme un handicap grave et permanent ayant un impact substantiel dans la vie familiale.

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