Implication d’un véhicule dans un accident de la route sans contact ni proximité avec celui de la victime (Cass. Civ. 2ème, 16 janvier 2020)

Accident de la circulation et implication du véhicule

Dans un arrêt du 16 janvier 2020 (lien ici), la Cour de cassation rappelle que tout véhicule terrestre à moteur, même s’il se trouve à distance du lieu d’un accident de la circulation, peut être impliqué dans celui-ci dès lors qu’il a joué un rôle dans sa survenance et ce, au sens de l’article 1er de la loi n° 85-677 du 05 juillet 1985 (dite Loi Badinter) tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accident de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation.

Si, en jurisprudence, la question de l’implication ne fait plus débat en cas de heurts entre véhicules, lesquels entraînent nécessairement l’implication des véhicules concernés, l’appréhension de la notion d’implication a pu poser difficulté en cas d’absence de contact.

La Cour de cassation a une interprétation extensive de la notion d’implication.

Selon la Haute juridiction, tout véhicule présent sur les lieux d’un accident de la route, qui aura concouru, ne serait-ce qu’en partie, au dommage survenu, doit être considéré comme impliqué et ce, même en l’absence de choc (Voir par exemple Cass. Civ. 2ème, 14 janvier 2016, n° 15-11108, Cass. Civ. 2ème, 18 avril 2019 n°18-14948 et notre article à ce sujet).

En d’autres termes, pour exclure toute implication, il semble nécessaire pour le défendeur de prouver que la présence de son véhicule sur les lieux d’un accident de la circulation aura été totalement étrangère à sa survenance, ce qui peut s’avérer très compliqué.

Mais qu’en est-il lorsque le véhicule soi-disant impliqué n’est même pas présent sur les lieux de l’accident, par exemple en en étant éloigné de quelques centaines de mètres comme en l’espèce ?

Dans notre affaire, un tracteur avait malencontreusement répandu de l’huile sur la chaussée avant de continuer sa route et de s’immobiliser bien plus loin.

Un conducteur, en dérapant sur la flaque d’huile, avait ensuite perdu le contrôle de sa voiture et décédait dans l’accident.

Les ayants droits de la victime ont assigné les conducteur et propriétaire du tracteur en indemnisation de leurs préjudices résultant de cet accident mortel de la circulation, en soutenant que le tracteur était impliqué dans l’accident.

La question qui se posait aux juges était de savoir si non seulement l’absence de contact, mais en plus l’éloignement du tracteur du lieu de l’accident, devaient exclure son implication, sachant qu’il n’avait joué aucun rôle direct dans sa réalisation puisque l’automobiliste décédé avait seul perdu le contrôle de sa voiture.

Aux termes de la décision rendue le 16 janvier 2020, la Cour de cassation, retient que tout véhicule ayant joué un rôle quelconque dans la réalisation d’un accident est impliqué au sens de l’article 1er de la loi n° 85-677 du 05 juillet 1985, ce qui est le cas du tracteur répandant involontairement de l’huile sur la chaussée rendue ainsi glissante et entraînant le dérapage d’un autre véhicule.

En jugeant ainsi, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel de SAINT DENIS DE LA RÉUNION, qui avait notamment rejeté le moyen des défendeurs selon lequel la distance de quelques centaines de mètres à laquelle se trouvait le tracteur du lieu de la perte de contrôle aurait pu exclure le lien de causalité entre la fuite d’huile et l’accident de la route.

Grâce à cette jurisprudence, peu importe donc la présence ou l’absence du véhicule impliqué sur les lieux, dès lors qu’il est intervenu d’une manière ou d’une autre dans la survenance de l’accident.

Pour illustrer cette position jurisprudentielle réaffirmée, l’on peut citer une autre affaire (Cass. Civ. 2ème, 28 juin 1995, n° 93-20540) où il était question de la perte d’une roue de secours par un véhicule ayant poursuivi sa route, ce qui avait généré ensuite un carambolage à l’endroit où la roue était tombée.

La Haute Juridiction reste fidèle à l’esprit d’une loi prioritairement soucieuse de l’implication du véhicule terrestre à moteur comme vecteur de l’indemnisation des victimes.

N’hésitez pas à contacter Maître Bourdet afin de lui exposer la situation dans laquelle vous vous trouvez ou la difficulté à laquelle vous êtes confronté.