Les notes techniques établies par les médecins-conseils des compagnies d’assurance doivent être communiquées à la victime (Cass. Civ. 2ème, 30 septembre 2021)

Indemnisation accident de la route - expertise médicale - indemnisation

Aux termes d’un arrêt en date du 30 septembre 2021 (lien ici), publié au Bulletin, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation énonce que les notes techniques rédigées, dans le cadre de l’expertise médicale, par les médecins mandatés par les compagnies d’assurance, doivent être communiquées aux victimes.

1) Quels sont les faits de l’espèce ?

Un homme a été victime d’un accident de la route impliquant un véhicule terrestre à moteur assuré auprès de la compagnie AXA.

Cette victime a assigné cette compagnie devant le Juge des référés du Tribunal de grande instance (ainsi dénommé à l’époque) de NANTERRE aux fins d’obtenir une mesure d’expertise médicale pour évaluer son préjudice corporel ainsi que le versement d’une provision à valoir sur son indemnisation définitive.

Par ailleurs, sans doute confrontée à un refus de la compagnie d’assurance sur ce point, la victime a également sollicité que soient communiquées, sous astreinte, les notes techniques du médecin-conseil désigné par cette compagnie, dans le cadre de la procédure amiable préalablement mise en œuvre.

2) Quel a été le parcours procédural de l’affaire ?

Par une ordonnance en date du 18 février 2018, le Juge des référés a fait droit à l’ensemble des demandes de la victime.

Mécontente de la décision, la compagnie AXA a interjeté appel de cette ordonnance et la Cour d’appel de VERSAILLES a, par une décision en date du 24 octobre 2019, infirmé l’ordonnance de référé.

Pour motiver son arrêt et débouter la victime de sa demande de communication sous astreinte des notes techniques établies par le médecin-conseil de la compagnie AXA, la Cour d’appel de VERSAILLES retenait, dans sa décision, que « sa demande de communication n’est pas suffisamment précise, en ce qu’elle n’est pas limitée à ses données strictement médicales auxquelles il doit pouvoir avoir accès, et qu’il ne démontre pas son intérêt légitime à obtenir les documents réclamés, dont l’existence même n’est pas établie de manière certaine, et pour lesquels l’assureur fait valoir, sans être utilement contredit, qu’ils peuvent contenir, outre des éléments médicaux, des informations strictement confidentielles d’ordre administratif et financier destinées à sa seule intention ».

La victime a alors formé un pourvoi en cassation.

3) Quel problème juridique était soumis à la Cour de cassation ?

La Cour de cassation était amenée à se prononcer sur le point de savoir si les notes techniques, établies par les médecins-conseils mandatés par les compagnies d’assurance dans le cadre d’expertises médicales, devaient, ou non, être communiquées aux victimes.

4) Qu’est-ce qu’une note technique du médecin-conseil de la compagnie d’assurance et dans quel contexte est-elle établie ?

Les notes techniques constituent un document établi par le médecin-conseil mandaté par la compagnie d’assurance en charge du processus indemnitaire, qui contient les données de l’examen médical de la victime et notamment l’évaluation de ses préjudices.

Il convient de préciser que lorsqu’une personne subit un dommage corporel à la suite d’un accident de la route, la compagnie d’assurance (celle de la victime ou celle du véhicule impliqué dans l’accident corporel) va inviter cette victime, dans le cadre d’un processus indemnitaire dit « amiable », à se soumettre à une expertise médicale dont le but est de recenser et de caractériser les préjudices de la victime.

Cette expertise médicale est réalisée par un médecin-conseil mandaté et rémunéré par cette compagnie d’assurance, (la plupart du temps celle là-même qui devra ensuite indemniser la victime).

C’est sur la base des conclusions médicales qui seront établies par ce médecin-conseil que les préjudices feront l’objet d’une traduction financière et qu’une proposition indemnitaire sera adressée à la victime.

Lorsque la victime souhaite comprendre (ou contester) la proposition indemnitaire qui lui est ainsi offerte dans un cadre amiable, elle sollicite la communication des « notes techniques » établies par le médecin conseil.

Mais très souvent, les compagnies d’assurance refusent de communiquer ces notes techniques, opposant aux victimes leur caractère confidentiel.

5) Quelle est la solution retenue par la Cour de cassation ?

La Cour de cassation vient affirmer, au visa de l’article L 1111-7 du Code de la santé publique que les notes techniques établies par les médecins désignés par les compagnies d’assurances contiennent des données de santé qui concernent la victime laquelle dispose, en conséquence, d’un droit d’accès à celles-ci.

Ce rappel de la Cour de cassation aux compagnies d’assurance, motivé par une définition extensive du droit d’accès aux données de santé, est, à notre sens, extrêmement opportun.

En effet, comme évoqué ci-avant, lorsque la victime souhaite comprendre (ou contester) la proposition indemnitaire qui lui est faite sur la base des notes techniques rédigées par le médecin de la compagnie d’assurance, il est parfaitement légitime qu’elle puisse accéder à celles-ci et ce, que ladite proposition d’indemnisation soit définitive ou provisionnelle (si l’état de santé de la victime n’est pas consolidé).

Grâce à cette décision, les compagnies d’assurance ne pourront plus se réfugier derrière le caractère prétendument « confidentiel » de ces notes techniques pour refuser de les communiquer à la victime sous peine de s’y voir condamner, au besoin sous astreinte.

N’hésitez pas à contacter Maître Bourdet afin de lui exposer la situation dans laquelle vous vous trouvez ou la difficulté à laquelle vous êtes confronté.