La responsabilité du passager d’un véhicule responsable d’un accident de la route reste garantie en dépit de sa faute (Cass. Civ. 2ème, 30 mars 2023)

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Par un arrêt rendu le 30 mars 2023 (lien ici) et publié au Bulletin, la Cour de cassation rappelle qu’ en matière d’accident de la route, l’assureur ne peut exercer aucun recours contre le passager du véhicule qu’il garantit et ce, même si ce passager a commis une faute.

1) Quels sont les faits à l’origine de cette affaire ?

Le 28 avril 2016, est survenu un dramatique accident de la route au cours duquel un motard a trouvé la mort en dépassant un véhicule.

Ce véhicule était régulièrement assuré par son propriétaire conducteur auprès de la compagnie PACIFICA (rappelons ici qu’une assurance doit obligatoirement être souscrite pour garantir les dommages causés à l’occasion de la conduite d’un véhicule terrestre à moteur).

Alors que ce motard effectuait sa manœuvre, le passager du véhicule en train d’être dépassé a tendu le bras par la fenêtre pour jeter la cendre de sa cigarette sur la chaussée.

Surpris, le motard a tenté une manœuvre d’évitement mais a heurté un feu tricolore et est décédé des suites de cet accident corporel.

2) Quel a été le parcours procédural de cette affaire ?

Les ayants droit du motard ont assigné le conducteur du véhicule ainsi que son assureur en indemnisation des préjudices subis.

En vertu de la Loi Badinter du 05 juillet 1985, la compagnie PACIFICA, assureur du conducteur du véhicule en cause, a été tenu d’indemniser les ayants droit du motocycliste, c’est à dire son épouse et ses enfants.

La compagnie PACIFICA, dans le cadre de la procédure initiée par les proches de la victime à son encontre, a décidé d’assigner en intervention forcée le passager du véhicule afin d’obtenir le remboursement des sommes versées aux ayants droit au titre de l’indemnisation de leurs postes de préjudice.

La compagnie PACIFICA considérait en effet qu’en raison de la faute du passager (qui a tendu son bras par la fenêtre au moment du passage du motard), sa responsabilité était engagée et qu’il était tenu de garantir les conséquences dommageables de l’accident mortel de la circulation.

La compagnie MAIF, assureur responsabilité civile du passager, est intervenue volontairement à l’instance.

La Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE, aux termes d’un arrêt rendu le 1er avril 2021, a fait droit à cette demande en considérant que l’assureur qui a réglé la totalité des sommes allouées à la victime ou à ses ayants droit dispose d’un recours contre un tiers à raison de la faute personnelle que ce dernier a commise, sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile.

Le passager et son assureur, la compagnie MAIF, ont ainsi été condamnés à garantir l’assureur du véhicule de la condamnation prononcée à son encontre et à assumer les conséquences financières de l’accident.

Le passager fautif et la compagnie MAIF, son assureur, ont alors décidé de se pourvoir en cassation estimant que l’assureur du véhicule impliqué dans l’accident de la circulation qui est tenu de couvrir la responsabilité de ses passagers, ne pouvait exercer de pourvoi à son encontre.

3) Quelle a été la solution de la Cour de cassation ?

La Cour de cassation a adopté, au visa de l’article L 211-1 du Code des assurances, la solution inverse et a accueilli le pourvoi formé par le passager et son assureur.

La Haute juridiction rappelle que la responsabilité civile du passager est garantie par l’assureur du conducteur lequel n’a, contre lui, aucun recours possible même s’il a commis une faute.

4) Que faut-il retenir de cette décision ?

En matière d’assurance automobile, l’assureur assure toute personne dont la responsabilité civile peut être engagée en raison des dommages subis par des tiers lorsqu’un véhicule est impliqué.

L’assurance couvre ainsi la responsabilité du conducteur mais également celle des passagers.

Pour la Cour de cassation, après avoir indemnisé la victime d’un accident, l’assureur du véhicule, qui est également tenu de garantir la responsabilité civile des passagers, ne peut exercer de recours contre eux.

Même si le passager a commis une faute, sa responsabilité ne peut pas être engagée par l’assureur du véhicule puisque celui-ci est également l’assureur des passagers.

Le droit commun de la responsabilité n’a donc pas vocation à s’appliquer dans ce domaine où une loi particulière organise un système d’indemnisation.

La faute du passager n’est donc pas susceptible d’engager sa propre responsabilité ; cette responsabilité étant garantie par l’assureur du conducteur.

La solution contraire, qui accorderait à l’assureur la possibilité d’exercer un recours contre l’assuré (conducteur ou passager) serait contraire à l’essence même de l’assurance et à la théorie de la garantie (à laquelle la notion de faute est étrangère).

La seule exception se trouve dans les dispositions de l’article L.211-1 du Code des assurances : le recours de l’assureur contre un tiers n’est possible que dans le cas où la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire (par exemple en cas de vol).

 

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