Accident de la route : Annulation de la transaction définitive conclue entre une victime et un assureur (Cass. Civ. 2ème 09 mars 2023)

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Aux termes d’un arrêt rendu le 09 mars 2023 (lien ici), la Cour de cassation annule une transaction définitive conclue entre la victime d’un accident de la route et l’assureur du conducteur responsable tenu de l’indemniser.

1) Quels sont les faits à l’origine de cette affaire et quel est son parcours procédural ?

Un conducteur a été victime d’un accident de la circulation.

Le 1er août 2014, cette victime et l’assureur du conducteur responsable ont conclu une transaction définitive pour liquider l’ensemble des postes de préjudices de la victime résultant de cet accident corporel.

Notons qu’en l’espèce, aucune expertise médicale n’est intervenue et que le poste de préjudice « souffrances endurées  » a été coté à 0,1/7 (les initiés apprécieront !).

Ainsi la victime, qui a sans doute ultérieurement compris que l’indemnisation qui lui avait été versée aux termes de cette transaction était pour le moins ridicule, a cherché à obtenir davantage.

Elle a donc assigné l’assureur indélicat devant le Tribunal de grande instance (devenu aujourd’hui Tribunal judiciaire) pour réclamer une somme supérieure à celle qui lui avait été accordée dans le cadre de la transaction.

La Cour d’appel, a donné raison à la victime et a remis en cause la validité de la transaction définitive.

L’assureur a formé un pourvoi en cassation.

2) Qu’est-ce qu’une transaction définitive ?

En droit commun, la transaction est un mode de résolution amiable des conflits qui peut aussi bien intervenir en amont (pour anticiper et régler les suites d’un litige naissant) qu’en aval (pour mettre fin à une procédure en cours).

L’article 2044 du Code civil définit la transaction comme « un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ».

C’est donc un accord écrit négocié et signé entre des personnes en vue de mettre fin au conflit qui les oppose.

Parmi les conditions nécessaires à sa validité, la transaction implique que chacune des parties fasse des concessions réciproques par rapport à ses prétentions initiales.

En droit de la réparation du préjudice corporel, l’assureur qui garantit la responsabilité civile d’un conducteur du fait d’un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter, à la victime, une offre d’indemnisation.

Lorsque la victime accepte l’offre d’indemnisation qui lui est présentée par l’assureur, un procès-verbal de transaction est conclu entre les parties.

L’article  L 211-16 du Code des assurances prévoit que la victime peut, par lettre recommandée ou par l’envoi d’un courrier recommandé électronique avec demande d’avis de réception, dénoncer la transaction dans les 15 jours de sa conclusion.

Une fois que ce délai de 15 jours est expiré, la transaction devient définitive et elle ne peut plus, en principe, être contestée.

Si la victime signe un procès-verbal transactionnel et qu’elle laisse expirer le délai de 15 jours, elle ne peut plus contester le montant des sommes qui lui ont été allouées en réparation de son préjudice corporel.

3) L’annulation d’une transaction définitive relative à l’indemnisation des préjudices d’une victime d’un accident de la route est-elle difficile à obtenir ?

En l’espèce, la Cour de cassation a accepté d’annuler la transaction qui avait été conclue et qui n’avait pourtant pas été dénoncée dans le délai de 15 jours.

Précisons que la transaction définitive relative à l’indemnisation des préjudices d’une victime d’un accident de la route est extrêmement difficile à annuler.

La Cour de cassation a déjà considéré qu’une telle transaction ne pouvait pas être annulée en raison de l’absence de concessions réciproques.

Comme indiqué ci-avant, les concessions réciproques sont nécessaires dans les transactions conclues en vertu du droit commun, mais la loi du 05 juillet 1985 dite « Loi Badinter » qui encadre l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation n’est pas concernée par ce principe, comme la haute juridiction l’a déjà rappelé (voir pour exemple : Cass. Civ. 2ème, 16 novembre 2006, n° 05-18631).

La Haute juridiction estime aussi que l’erreur de droit ou la lésion (c’est-à-dire le déséquilibre financier) ne sont pas non plus une cause de nullité de la transaction définitive (voir pour exemple : Cass. Civ. 2ème, 05 mars 2015, n° 14-13441).

4) En l’espèce, sur quel fondement la transaction est-elle annulée ?

Dans cette affaire, c’est sur le terrain du défaut d’information que la Cour de cassation a décidé de se placer pour annuler la transaction intervenue entre la victime et l’assureur.

La Cour a rappelé les dispositions de l’article L 211-10 du Code des assurances, lequel prévoit que : « A l’occasion de sa première correspondance avec la victime, l’assureur est tenu, à peine de nullité relative de la transaction qui pourrait intervenir, d’informer la victime qu’elle peut obtenir de sa part, sur simple demande, la copie du procès-verbal d’enquête de police ou de gendarmerie et de lui rappeler qu’elle peut à son libre choix se faire assister d’un avocat et, en cas d’examen médical, d’un médecin ».

En l’espèce, l’assureur était dans l’incapacité de démontrer que ces informations avaient bien été fournies à la victime.

Celle-ci n’est donc pas supposée avoir été clairement informée de ses droits et elle n’a, en conséquence, pas pu donner un consentement éclairé pour accepter l’offre d’indemnisation qui lui avait été soumise par l’assureur.

Rappelons que l’offre accepté par la victime mentionnait des « souffrances endurées » cotés à 0,1/7 qui est une évaluation aussi improbable qu’inhabituelle (le poste de préjudice « souffrances endurées » peut être coté à 0,5, 1, 1,5… mais jamais à 0,1).

Par ailleurs, un certificat médical établi, après la transaction, par le médecin-conseil de la victime, laissait apparaître que la victime était consolidée avec des séquelles définitives lesquelles laissaient supposer que le poste de préjudice « déficit fonctionnel permanent » aurait dû être indemnisé.

Or, tel n’était pas le cas (d’autres postes de préjudices définitifs étaient, a priori, également concernés).

Dans ces conditions, si la victime avait été informée de son droit de se faire assister par un avocat lors du processus indemnitaire, elle aurait pu se rendre compte que l’offre qui lui était soumise était largement inférieure à ce à quoi elle devait légitimement pouvoir prétendre.

L’offre avait d’ailleurs été soumise à la victime alors même qu’elle n’avait rencontré aucun médecin, de sorte que son préjudice n’avait, à l’évidence, pas été correctement évalué ni indemnisé.

5) Quel est l’intérêt cette décision ?

Tout d’abord, il convient de rappeler que le simple fait que les sommes offertes par l’assureur soient trop faibles ne suffit pas à pouvoir faire annuler la transaction.

Il ne sera possible de faire annuler une transaction définitive, après l’expiration du délai de dénonciation de 15 jours, que si l’assureur a manqué à son devoir d’information à l’égard de la victime.

Si la victime n’a pas été informée de son droit d’obtenir la communication du procès-verbal d’enquête, de son droit de se faire assister par un avocat et, en cas d’examen médical, de se faire assister par un médecin, elle pourra alors demander l’annulation de la transaction qu’elle a signée sur la base du défaut d’information.

Une telle action en nullité relative doit être intentée dans le délai de 5 ans à compter de la signature du procès-verbal de transaction.

Cette décision n’est pas, en soi, une décision nouvelle puisque la nullité relative est expressément prévue par le Code des assurances.

Il s’agit pour autant d’une rare illustration de ce principe.

Rappelons qu’en matière de réparation du préjudice corporel, le recours à la transaction est très fréquent.

Les victimes, souvent tenues dans l’ignorance de leurs droits sont, de fait, « à la merci » des compagnies d’assurance qui vont ignorer ou minorer l’indemnisation de certains postes de préjudice.

La présence d’un avocat aux côtés des victimes qui souhaitent transiger sur l’indemnisation de leurs préjudices est donc primordiale pour qu’elles puissent obtenir une juste et complète réparation de leurs dommages et éviter aussi de signer un procès-verbal transactionnel qui pourrait devenir définitif et inattaquable.

 

N’hésitez pas à contacter Maître Bourdet afin de lui exposer la situation dans laquelle vous vous trouvez ou la difficulté à laquelle vous êtes confronté.