Aux termes d’un arrêt en date du 22 mai 2019 (lien ici), la Cour de cassation rappelle que le besoin d’être aidé par une tierce personne à la suite d’un évènement traumatique ouvre droit à indemnisation, quand même même l’assistance dont il s’agit aurait été apportée de manière bénévole.
Il s’agit, selon la Cour de Cassation, d’une application du principe de réparation intégrale des préjudices, sans perte ni profit pour la victime.
Selon la Nomenclature Dintilhac, parmi les postes de préjudices dont la victime d’un évènement traumatique (accident de la route, erreur médicale, agression, accident de la vie, accident de sport, etc.) est fondée à demander réparation, figurent les dépenses générées par l’assistance, temporaire ou permanente, par une tierce personne.
Il s’agit de l’indemnisation du coût de la présence nécessaire aux côtés de la victime d’une personne pour l’assister dans les actes de sa vie quotidienne, pour suppléer sa perte d’autonomie ou la diminution de ses facultés fonctionnelles, du jour de l’événement traumatique jusqu’à la consolidation de son état de santé (au titre du poste de préjudice « frais divers »), puis postérieurement à la consolidation (au titre du poste de préjudice « assistance par une tierce personne »).
Mais qu’en est-il lorsque l’assistance par une tierce personne est apportée gratuitement, par exemple par un proche comme un membre de la famille, c’est à dire lorsque la victime n’expose aucun frais et que, grâce à l’aide apportée dans le cadre de sa profession, elle ne subit par ailleurs aucune perte de revenus ?
Doit-on considérer la situation subjectivement, en s’attachant aux circonstances particulières, et en écartant donc toute indemnisation dès lors qu’il n’y a concrètement aucune perte financière pour la victime ? Ou, au contraire, doit-on considérer la situation objectivement, en considérant qu’à partir du moment où une aide est nécessaire, quel que soit son coût réel, voire son absence de coût, cela ouvre droit à indemnisation, en fonction, par exemple, du coût moyen de l’assistance d’une tierce personne rémunérée ou encore de la perte de revenus qui aurait résulté de l’absence d’assistance ?
C’est, dans notre affaire, la question qui était posée à la Haute Juridiction.
En l’espèce, suite à des soins reçus de la part d’un orthodontiste, la victime, exploitante d’un centre équestre, avait présenté des troubles ayant entraîné une diminution de ses capacités professionnelles.
Elle a assigné en responsabilité et en indemnisation le praticien, lequel a été jugé responsable des préjudicies subis.
Parmi les postes de préjudice discutés, figurait l’aide dont la victime avait eu besoin dans le cadre de son activité professionnelle pour compenser ses déficiences temporaires ; assistance qui lui avait été apportée bénévolement par son époux.
La Cour d’appel de LYON a estimé que, dans la mesure où l’aide du mari avait compensé la perte de revenus professionnels de la victime et que, par ailleurs, cette aide avait été bénévole, il n’apparaissait pas de préjudice indemnisable. La Cour d’appel estimait que l’économie ainsi réalisée ne pouvait donner lieu à indemnisation.
La victime s’est pourvue en cassation contre cette décision, en soulignant notamment qu’il y avait bel et bien lieu de valoriser l’assistance bénévole qui lui avait été apportée, sous peine de violer le principe de réparation intégrale du préjudice.
Aux termes de son arrêt rendu le 22 mai 2019 la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel, en soulignant que la victime avait eu besoin d’être aidée dans l’exploitation de son centre équestre et que, sans l’aide de son époux, soit elle aurait du exposer des frais pour bénéficier d’une assistance, soit elle aurait subi une perte de gains professionnels ; conditions à elles seules suffisantes pour justifier une indemnisation, sans qu’il soit dès lors nécessaire pour elle de produire des justificatifs de dépenses effectives.
Cette décision, publiée au Bulletin, est importante dans la mesure où elle consacre l’indemnisation de l’assistance bénévole par une tierce personne, ce qui devrait inciter les proches de victimes à leur apporter, sans réserves, l’aide dont elles ont besoin au quotidien.
Cet arrêt est également digne d’intérêt en ce qu’il inclut expressément la sphère professionnelle dans le champ d’indemnisation de l’assistance par une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne.
N’hésitez pas à contacter Maître Bourdet afin de lui exposer la situation dans laquelle vous vous trouvez ou la difficulté à laquelle vous êtes confronté.