Un accident « de voiture » n’est pas toujours considéré comme un accident de la circulation (Cass. Civ. 2ème 07 juillet 2022)

accident de la circulation victime indemnisation

Aux termes d’un arrêt rendu le 07 juillet 2022 et publié au bulletin (lien ici), la Cour de cassation apporte des précisions sur la notion d’implication d’un véhicule dans la survenance d’un accident.

1) Quels sont les faits à l’origine de cette affaire ?

Le 16 avril 2015, un particulier réalise des travaux sur le toit de son garage et trébuche.

Il tombe au travers d’une lucarne dans le garage de son voisin et atterrit sur le véhicule de ce dernier qui y était stationné.

Il est blessé et souffre d’une fracture à la cheville.

2) Quel a été le parcours procédural de cette affaire ?

La victime s’ est adressé à l’assureur du véhicule de son voisin pour obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel.

En première instance et devant la Cour d’appel de PARIS, les Juges du fond ont fait droit à sa demande en ordonnant une expertise médicale et en lui allouant une provision à valoir sur l’indemnisation définitive de ses préjudices.

Les Juges ont en effet fait application des dispositions de la Loi BADINTER n° 85-677 du 05 juillet 1985 qui prévoient qu’une victime est indemnisée par l’assureur d’un véhicule dès lors que ce véhicule est impliqué dans l’accident de la route.

Une telle décision n’est pas surprenante puisque la jurisprudence a toujours considéré, de manière constante, que le stationnement d’un véhicule est un fait de circulation et que le stationnement d’un véhicule dans un lieu privé n’exclut pas l’application de la Loi BADINTER.

3) Quelle a été la position de la Cour de cassation ?

La Haute juridiction a, dans un arrêt surprenant, rendu en formation de section (c’est-à-dire en présence de 10 Conseillers), rompu avec sa conception traditionnelle de la notion d’implication d’un véhicule dans un accident de la circulation.

Selon la Cour de cassation, ne constitue pas un accident de la circulation, l’accident résultant de la chute d’une victime sur un véhicule en stationnement dans un garage privé, lorsqu’aucun des éléments liés à sa fonction de déplacement n’est à l’origine de l’accident corporel.

La victime est ainsi privée de la possibilité d’invoquer le régime juridique (favorable aux victimes) de la Loi BADINTER lui permettant d’obtenir l’indemnisation de son préjudice par l’assureur du véhicule sur lequel elle a chuté.

4) Quel est l’intérêt de cette décision ?

La Haute Juridiction a, par le passé, expressément considéré que le stationnement d’un véhicule sur la voie publique est un fait de circulation au sens de la Loi du 05 juillet 1985 (voir notamment Cass. 2ème Civ. 22 novembre 1995, n° 93-21.221).

La Cour de cassation a, par ailleurs, appliqué la Loi BADINTER aux accidents survenus dans un lieu privé et précisément un garage (voir notamment Cass. 2ème Civ. 22 mai 2014, n° 13-10.561).

Il était donc raisonnablement permis de s’attendre à ce que, dans cette affaire, la Cour de cassation fasse application des principes traditionnels qu’elle a dégagés au fil des ans, depuis l’entrée en vigueur de la Loi BADINTER.

En considérant que la chute d’une victime sur un véhicule en stationnement dans un garage privé n’est pas un accident de la circulation, la Cour de cassation a rompu avec sa jurisprudence habituelle.

5) Quelle leçon peut-on tirer de cette décision ?

Alors qu’auparavant, c’est la notion d’implication du véhicule qui était déterminante pour bénéficier du régime d’indemnisation prévu par la Loi du 05 juillet 1985, c’est une autre notion que la Cour de cassation a mis en avant pour fonder sa décision.

En effet, en l’espèce, la Cour a considéré qu’aucun des éléments liés à la fonction de déplacement n’est à l’origine de l’accident.

Cette idée n’est pas totalement nouvelle puisqu’il avait déjà été considéré que la Loi Badinter ne s’appliquait pas lorsque l’accident impliquait un engin immobilisé utilisé dans sa fonction d’outil, et non dans sa fonction de déplacement (Cass. Civ. 2ème, 09 juin 1993, n° 91-12.452).

Il appartiendra donc aux victimes, pour se prévaloir de l’application du régime d’indemnisation favorable institué par la Loi BADINTER, de démontrer qu’un véhicule est impliqué dans l’accident et qu’un des éléments liés à sa fonction de déplacement en est à l’origine.

 

N’hésitez pas à contacter Maître Bourdet afin de lui exposer la situation dans laquelle vous vous trouvez ou la difficulté à laquelle vous êtes confronté.