Préjudice corporel : La victime n’a pas l’obligation de minimiser son préjudice (Cass. 2ème Civ. 26 mars 2015)

Le principe de la réparation intégrale du préjudice, qui se déduit des dispositions de l’article 1382 du Code civil, est un principe fondamental du droit de la responsabilité civile, rappelé à de nombreuses reprises par la Cour de Cassation.

La victime d’un dommage corporel doit donc être indemnisée de tous les préjudices subis : « Tout le préjudice, mais rien que le préjudice ».

La philosophie gouvernant ce principe de réparation intégrale a été explicitée par un arrêt de la Cour de cassation du 28 octobre 1954 : «  Le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit » (Cass. 2ème Civ. 28 octobre 1954, JCP 1955 II, 8765).

Certes, la faute contributive de la victime peut lui être opposée et constituer une cause d’exonération partielle (voire totale) de responsabilité.

Mais si la victime a la possibilité de prendre des mesures afin de limiter son préjudice, commet-elle une faute en s’abstenant de le faire ?

C’est à cette question qu’a répondu la 2ème chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 26 mars 2015 relatif à l’indemnisation des pertes de gains professionnels actuels et futurs d’une victime d’un accident de la circulation (Cass. 2ème Civ. 26 mars 2015, n° 14-16011).

En l’espèce, un cuisinier, victime d’un accident de la circulation, avait assigné le responsable de l’accident et son assureur en réparation de ses préjudices.

Conséquence de l’accident, cette victime avait été déclarée inapte à la profession de cuisinier puis licenciée par son employeur pour avoir refusé d’être reclassée dans un emploi adapté à ses capacités physiques et intellectuelles restantes.

Dans le cadre de la procédure en indemnisation de ses préjudices, la Cour d’appel avait cru bon diviser par deux la somme allouée à la victime en retenant, notamment, le refus de cette dernière d’accepter le poste qui lui avait été proposé lors du reclassement.

La Haute Juridiction a censuré la décision de la Cour d’appel et a rappelé une position ferme et  constante : « L’auteur d’un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables (…) la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable ».

Cette règle, qui était initialement limitée aux préjudices corporels, a été généralisée par la Cour de cassation dans deux arrêts du 19 juin 2003 (Cass. 2ème Civ. 19 juin 2003, n° 01-13289 & 00-22302).

Même si la solution a, par la suite, été réaffirmée à de très nombreuses reprises, que ce soit en matière de préjudice corporel (Cass. 2ème Civ. 25 octobre 2012, n° 11-25511) ou de préjudice matériel (Cass. 3ème Civ. 10 juillet 2013, n° 12-13851), la question reste fréquemment soumise à l’examen de la Cour de cassation.

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a censuré une Cour d’appel qui imputait l’aggravation de l’état de santé d’une victime « à son refus des traitements proposés, alors que ceux-ci n’avaient été rendus nécessaires que parce qu’il avait contracté une infection nosocomiale engageant la responsabilité de la clinique » (Cass. 1ère Civ. 15 janvier 2015, n° 13-21180).

Il convient de préciser qu’une partie de la Doctrine estime qu’il conviendrait d’imposer à la victime, l’obligation de minimiser son dommage et quasiment tous les projets de réforme du droit de la responsabilité civile propose de la consacrer.

L’obligation, pour la victime, de minimiser son dommage est pourtant connue d’autres systèmes juridiques, essentiellement dans les pays de « Common Law » mais reste exclue de manière constante par la jurisprudence de la Cour de cassation.

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