Par un arrêt en date du 06 mai 2021 (lien ici), la Cour de cassation laisse entendre que le choix personnel d’une victime d’acquérir le logement qu’elle occupe en tant que locataire, pour y effectuer les aménagements nécessaires à la prise en compte de son handicap, peut être imputable aux séquelles de l’accident dont elle a été victime.
1) La notion de « frais de logement adapté »
La nomenclature Dintilhac a pour objectif de de guider les praticiens de l’indemnisation et d’uniformiser les pratiques en répertoriant les différents postes de préjudices selon des définitions pouvant être communément partagées.
Même si la nomenclature Dintilhac est dépourvue de force obligatoire, elle constitue aujourd’hui une référence majeure et est utilisée par l’ensemble des acteurs de l’indemnisation du dommage corporel (médecins-experts, avocats, magistrats, compagnie d’assurance, etc.).
Parmi les postes de préjudices répertoriés par cette nomenclature, figure celui intitulé « frais de logement adapté ».
Les frais de logement adapté correspondent aux frais que doit débourser la victime d’un évènement traumatique (accident de la route, erreur médicale, agression, accident de la vie, accident de sport, etc.) pour adapter son logement aux séquelles dont elle est victime et bénéficier ainsi d’un habitat en adéquation avec son handicap.
Ce poste de préjudice inclut traditionnellement non seulement l’aménagement du domicile rendu nécessaire par l’état pathologique de la victime, mais également le surcoût découlant de l’acquisition d’un domicile mieux adapté au handicap (surcroît de superficie pour faciliter, par exemple, la circulation d’un fauteuil roulant ou pour aménager une pièce destinée à une tierce personne assurant une surveillance nocturne, etc.).
2) Les faits de l’espèce
En l’espèce, une personne a été victime d’un accident du travail.
Les graves séquelles de cet accident ont rendu le logement (que la victime louait) inadapté à son handicap et nécessitaient d’importants travaux d’aménagement :
– Réalisation de travaux de terrassement ;
– Automatisation du portail ;
– Installation d’une rampe d’accès pour fauteuil roulant ;
– Remplacement des portes ;
– Destruction de murs porteurs avec pose d’IPN ;
– Aménagement de la cuisine et de la salle de bain.
Au regard de l’importance des travaux à réaliser et du caractère « temporaire » de la location, la victime a fait le choix d’acquérir le logement qu’elle louait auparavant et sollicitait que cette acquisition lui soit remboursée dans le cadre de l’indemnisation de ses préjudices.
3) Le parcours procédural de l’affaire
En première instance, le Tribunal des affaires de sécurité sociale, retenant la faute inexcusable de l’employeur dans le cadre de l’accident du travail subi par la victime, avait, au titre du poste de préjudice « frais de logement adapté », indemnisé la victime en lui allouant la somme de 185.000 € correspondant au prix d’acquisition du logement et celle de 40.000 € au titre des travaux d’aménagement à réaliser.
L’assureur de l’employeur de la victime avait alors interjeté appel de cette décision en mettant en avant le choix « personnel » de la victime d’acquérir le logement dont elle était alors locataire pour contester l’imputabilité dans la mesure où ladite victime était intervenue dans le choix des modalités de réparation.
Par un arrêt du 16 octobre 2019 (rectifié le 20 novembre 2019), la Cour d’appel de MONTPELLIER a donné raison à l’assureur de l’employeur en estimant que le poste de préjudice « frais de logement adapté » impliquait soit d’aménager un domicile existant, soit d’acquérir un logement « mieux adapté ».
La Cour d’appel en a déduit qu’acquérir un logement « inadapté en l’état » pour l’aménager ensuite constituait un choix personnel qui n’était pas directement imputable aux séquelles de l’accident corporel.
4) La solution apportée par la Cour de cassation
La Haute Juridiction, aux termes de son arrêt du 06 mai 2021, a censuré la position de la Cour d’appel de MONTPELLIER en estimant que ladite Cour ne répondait pas à l’argumentation de la victime qui soutenait que l’importance des travaux d’aménagement à réaliser (imposés par la gravité des séquelles) et le caractère provisoire de la location, rendaient l’acquisition du logement nécessaire afin de permettre à la victime de bénéficier, de manière pérenne, d’un habitat adapté au handicap causé par l’accident.
En l’espèce, c’est le manquement à l’obligation de motivation que la Cour de cassation reproche à la Cour d’appel ce qui implique qu’au final, il n’est pas certain que la Cour d’appel de renvoi entérine l’indemnisation de l’acquisition du nouveau logement.
Mais si elle ne le fait pas, elle devra prendre grand soin de motiver sa décision en précisant la raison pour laquelle l’acquisition du logement n’est pas justifiée par l’importance des aménagements à réaliser en raison de la gravité du handicap de la victime.
En tout état de cause, l’on ne peut que militer en faveur d’une acception extensive du poste de préjudice « frais de logement adapté » et ce, dans l’intérêt bien compris des victimes.
N’hésitez pas à contacter Maître Bourdet afin de lui exposer la situation dans laquelle vous vous trouvez ou la difficulté à laquelle vous êtes confronté.