Les charges sociales et fiscales liées à l’embauche d’un salarié suppléant l’incapacité de la victime doivent être incluses dans l’indemnisation (Cass. Civ. 2ème, 25 juin 2020)

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Par un arrêt du 25 juin 2020 (lien ici), la Cour de cassation précise que les charges sociales et fiscales inhérentes à l’emploi d’un salarié pour palier l’incapacité professionnelle temporaire d’une victime d’un événement traumatique (accident de la route, erreur médicale, agression, accident de la vie, accident de sport, etc.) doivent être incluses dans l’évaluation du préjudice pour perte de gains professionnels actuels.

Il s’agit là d’une application du principe de réparation intégrale des préjudices sans perte ni profit pour la victime afin de compenser, autant que faire se peut, les conséquences de l’accident pour cette dernière.

Selon la Nomenclature Dintilhac, parmi les postes de préjudices dont la victime est fondée à demander réparation suite à l’événement traumatique qu’elle a subi, figure la perte de gains professionnels actuels, à savoir l’indemnisation de la perte de revenus, totale ou partielle, en raison de l’incapacité provisoire de travail ou de l’invalidité temporaire avant la consolidation de son état de santé.

Ainsi, dès lors que la victime établit le lien de causalité entre l’accident corporel et le changement intervenu dans les conditions d’exercice de son activité professionnelle entraînant une perte de gains, elle devra être indemnisée (Cass. Crim. 21 mars 2017, n°15-86241).

Si le principe posé semble aller de soi, sa mise en œuvre peut s’avérer plus délicate, notamment à l’égard d’un professionnel libéral ou d’un gérant de société.

Doit-on, par exemple, inclure dans l’indemnisation de la perte de ses gains professionnels, les charges sociales et fiscales générées par les mesures prises pour palier l’incapacité provisoire du dirigeant de société, ou bien se cantonner à sa perte de revenus nets, en référence aux années antérieures et sans le dédommager spécifiquement du surcoût lié aux charges sociales et fiscales générées par les mesures prises pour palier son incapacité ?

C’est, dans notre affaire, la question qui était posée à la Cour de cassation.

En l’espèce, le conducteur d’une moto avait heurté un taureau qui circulait sur la chaussée.

La victime, gérant et associé à 50 % d’une société en nom collectif, avait du limiter son activité professionnelle à des tâches purement administratives et embaucher un salarié pour effectuer les fonctions de mécanicien qu’il assumait principalement avant l’accident.

Le responsable de l’accident au sens de l’article 1385 (ancien) du Code civil et son assureur, ont été assignés en indemnisation des préjudices subis, parmi lesquels figurait la perte de gains professionnels actuels.

La Cour d’appel de RENNES a estimé qu’il convenait de retenir à ce titre, une somme de 58.506 euros, correspondant à la perte de revenus liée à l’embauche d’un salarié pour remplacer la victime, après déduction des charges sociales et fiscales afférentes.

Aux termes de la décision rendue le 25 juin 2020 la Cour de cassation retient, au contraire, que les charges assumées pour pourvoir au remplacement de la victime, étant en lien direct avec l’accident, ont lieu d’être ajoutées au calcul de la perte de gains professionnels actuels.

Au fil des ans, la jurisprudence de la Haute Juridiction se précise dans un domaine où le renvoi à « l’appréciation souveraine des juges du fond » était habituellement de mise.

Ainsi, il a pu être jugé que l’évaluation de la perte de gains professionnels inclut les charges fixes d’une société (Cass. Civ. 2ème, 13 septembre 2012, n°11-13139), ou que l’économie réalisée par une société grâce à une assistance bénévole sera indemnisée (Cass. Civ. 1ère, 22 mai 2019, n°18-14063).

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