De l’indemnisation des préjudices d’une victime qui apporte son aide bénévolement à l’occasion d’une cueillette de pommes (Cass. Civ. 1ère 18 janvier 2023)

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Par un arrêt en date du 18 janvier 2023 (lien ici) et publié au bulletin, la Cour de cassation revient sur la notion d’assistance bénévole et précise que celle-ci peut exister même sans aide spontanée de l’assistant.

1) Quels sont les faits de l’espèce ?

Le 18 septembre 2010, le propriétaire d’un verger souhaitait récolter des pommes.

Compte tenu de la hauteur de certains pommiers, ce propriétaire, par ailleurs gérant d’une société qui utilise des grues pourvues de nacelles à l’extrémité de leurs bras, a décidé d’utiliser cet outil.

Pour ce faire, il a demandé à deux des salariés de cette société de venir l’aider : le premier, manipulant la grue et le second, montant avec lui sur la nacelle pour récolter les pommes qui se trouvaient en hauteur.

Au cours de cette manœuvre, la nacelle s’est décrochée causant ainsi un grave accident corporel au propriétaire et au salarié présent sur la nacelle avec lui.

Ce salarié, souhaitant obtenir l’indemnisation de ses préjudices corporels, a engagé la responsabilité de la société propriétaire de la grue et de son gérant qui, à son tour, a mis dans la cause son assureur de responsabilité civile et son assureur de responsabilité civile professionnelle.

2) Quel a été le parcours procédural de l’affaire ?

Précisons d’emblée, afin d’évacuer la question, que l’action du propriétaire à l’encontre de son assureur de responsabilité civile professionnelle a été déclarée irrecevable.

Nous ignorons quelle a été la position des juges de première instance sur la demande présentée par le salarié concernant l’indemnisation de ses postes de préjudices

En revanche, nous savons que la Cour d’appel de NANCY , aux termes d’un arrêt rendu le 26 mai 2020, a rejeté la demande d’indemnisation du salarié, considérant que le régime de la convention d’assistance bénévole n’était pas applicable.

En effet, les juges d’appel ont considéré que le salarié (l’assistant) n’avait pas spontanément apporté son aide au propriétaire du verger (l’assisté) puisque c’est précisément ce dernier qui l’avait convaincu de venir lui prêter main forte.

A défaut d’aide spontanée de l’assistant, dans la mesure où cette aide avait été sollicitée par l’assisté, la Cour d’appel a estimé qu’il n’y avait, en l’espère, aucune convention d’assistance bénévole entre les deux.

Partant de cette considération, le salarié ne pouvait obtenir l’indemnisation de ses préjudices.

Ce dernier a donc décidé de se pourvoir en cassation.

3) Qu’est-ce qu’une convention d’assistance bénévole ?

Selon le baromètre du bénévolat de l’association « France Bénévolat » (lien ici), ce ne sont pas moins de 19 millions de français qui, en 2022, ont donné de leur temps sans rétribution.

Cette aide, qui résulte d’une engagement libre et sans rémunération, s’inscrit dans le cadre de relations de bienveillance ou de courtoisie ; il s’agit d’un acte spontané et charitable au profit de l’assisté.

Mais accepter l’aide de quelqu’un (ou apporter son aide à quelqu’un) peut impliquer, en cas de sinistre, d’engager sa responsabilité à l’égard de l’autre et ce, que l’aide soit demandée ou seulement acceptée.

D’un point de vue juridique, la convention d’assistance bénévole est caractérisée par l’aide apportée gratuitement par une personne à une autre.

L’exécution de cet acte bénévole se transforme en contrat, avec toutes les conséquences qui y sont attachées, et notamment la possibilité d’obtenir l’indemnisation d’un préjudice subi par un cocontractant et, le cas échéant, par son assureur.

Voir, à cet égard, notre commentaire de la décision de la Cour de cassation en date du 05 janvier 2022 à propos d’une espèce dans laquelle cette fois-ci, c’est la personne qui a apporté son aide qui a causé un dommage à la personne assistée (lien ici).

4) Quel problème juridique était soumis à la Cour de cassation ?

Il était demandé à la Cour de cassation de déterminer si, en présence d’une aide apportée à la demande de l’assisté et non d’une aide spontanément apportée par l’assistant, il existait une convention d’assistance bénévole entre les deux.

5) Quelle est la solution retenue par la Cour de cassation ?

Au visa de l’article 1147 du Code civil (pris en sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime générale et de la preuve des obligations) et dans des termes dépourvus de la moindre ambiguïté, la Haute Juridiction censure la Cour d’appel de NANCY et précise que :

« Dans une convention d’assistance bénévole, l’assistance peut être spontanément apportée par l’assistant ou sollicitée par l’assisté ».

La Cour de cassation reproche ainsi à la Cour d’appel d’avoir considéré qu’il n’y avait, entre l’assisté et l’assistant, aucune convention d’assistance bénévole en raison du fait que l’assistant n’avait pas offert spontanément son aide mais qu’il avait été convaincu, par l’assisté, de lui porter assistance.

La position de la Cour de cassation est nette : Il n’est pas nécessaire que l’assistant apporte spontanément son aide pour que le régime juridique de la convention d’assistance bénévole s’applique.

Peu importe la manière dont une personne se retrouve à aider bénévolement un tiers, à partir du moment où elle lui apporte une aide, les règles contractuelles de la convention d’assistance bénévole ont vocation à s’appliquer.

En somme, pour la Cour de cassation, seul résultat compte.

Du point de vue de la victime (qui qu’elle soit), cette solution apparaît satisfaisante car elle évite une différence de traitement entre les victimes d’un dommage corporel qui ont spontanément aidé un tiers et celles à qui un service a été demandé.

Toute personne qui vient bénévolement en aide à un tiers, à la demande de ce dernier ou spontanément, pourra, en cas d’accident, engager la responsabilité de la personne assistée afin d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices.

Au regard du nombre de décisions rendues ces dernières années par la Haute Juridiction au sujet de la convention d’assistance bénévole (dont le champ d’application ne cesse de s’étendre au grès des cas d’espèces portés devant la Cour de cassation), l’on ne peut qu’en conclure que cette convention a encore de beaux jours devant elle.

N’hésitez pas à contacter Maître Bourdet afin de lui exposer la situation dans laquelle vous vous trouvez ou la difficulté à laquelle vous êtes confronté.