La demande d’une nouvelle expertise médicale, motivée par l’insuffisance de la précédente, relève de l’appréciation du Juge du fond (Cass. Civ. 2ème, 02 juillet 2020)

Expertise médicale victime accident de la route

Aux termes d’un arrêt rendu le 02 juillet 2020 (lien ici), la Cour de cassation précise que la demande formulée par une partie, tendant à la réalisation d’une nouvelle expertise, à la suite d’une première expertise dont elle estime qu’elle n’a pas été réalisée avec suffisamment de diligences, relève du Juge du fond et non du Juge des référés.

1) Pourquoi recourir à une expertise médicale ?

Lorsqu’une personne est victime d’un accident de la route, d’un accident sportif, d’un accident domestique, d’une erreur médicale, d’une agression physique ou sexuelle, d’un attentat ou plus généralement d’un évènement traumatique lui occasionnant des blessures corporelles et/ou psychologiques importantes, le recours à une expertise médicale est indispensable.

En matière de réparation du préjudice corporel, l’expertise médicale est la phase médico-légale de la procédure d’indemnisation.

Elle est confiée à un médecin expert et a pour but de recenser, caractériser et d’évaluer les préjudices subis par la victime.

Et c’est en grande partie sur la base des conclusions médicales de l’expert, que les préjudices de la victime (physiques, psychologiques, professionnels, financiers, moral, esthétique, etc.) seront chiffrés et indemnisés.

2) Quels étaient les faits à l’origine de la décision du 02 juillet 2020 ?

En l’espèce, une personne victime d’un accident de la circulation a saisi la justice afin d’obtenir l’indemnisation des préjudices résultant de cet évènement traumatique.

Classiquement, la victime a tout d’abord saisi le Juge des référés d’une demande d’expertise médicale et d’une demande de provision à valoir sur l’indemnisation définitive de ses préjudices.

La particularité de cette espèce réside dans le fait que la victime de l’accident de la route était un joueur virtuose de trombone exerçant au sein d’un grand opéra.

L’expertise médicale a été ordonnée et effectuée mais la victime s’est trouvée insatisfaite des conclusions du rapport d’expertise sur certains points et notamment s’agissant de l’incidence professionnelle découlant des séquelles de cet accident.

Aux termes de la nomenclature DINTILHAC, le poste de préjudice « incidence professionnelle » vise à indemniser « les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à la nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le fait dommageable au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap ».

En l’espèce, l’incidence professionnelle pouvait être relativement importante car l’activité professionnelle de la victime, tromboniste, était très spécifique.

Souhaitant voir ordonner une nouvelle mesure d’expertise judiciaire, la victime a de nouveau saisi le Juge des référés de cette demande.

Le Juge des référés l’a débouté et la victime a interjeté appel de l’ordonnance rendue.

Saisi de cet appel, la Cour d’appel de NÎMES, par un arrêt en date du 14 mars 2019, a ordonné une nouvelle expertise médicale, estimant notamment que les conclusions du premier expert désigné étaient insuffisantes au regard du caractère très spécifique de la profession de la victime qui nécessitait des gestes techniques très précis et qui mobilisait son épaule plusieurs heures par jour avec un port de charge d’environ 6 kg.

L’assureur du tiers responsable de l’accident de la route a formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt de la Cour d’appel de NÎMES.

3) Quelle était la question posée à la Haute Juridiction ?

En l’espèce, la question posée à la Cour de cassation était de savoir si la demande de désignation d’un nouvel expert, motivée par l’insuffisance des diligences accomplies par l’expert précédemment commis, devait être portée  devant le Juge des référés ou devant le Juge du Fond.

4) Le principe rappelé par la Cour de cassation

La Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Nîmes au visa de l’article 145 du Code de procédure civile qui dispose que « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé« .

La Cour de cassation rappelle, dans cet arrêt, que la demande de désignation d’un nouvel expert, motivée par l’insuffisance des diligences accomplies par l’expert précédemment commis, doit être formulée devant le Juge du fond et non devant le Juge des référés.

Par cette décision, la Haute juridiction rappelle, si besoin en était, que la liberté accordée à tout justiciable de se constituer un élément de preuve en vue d’un procès ultérieur éventuel sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, n’est pas sans limite.

Ainsi, il faut comprendre que lorsque le Juge des référés a accordé une première expertise, il a épuisé sa saisine et il ne lui est donc plus possible d’en ordonner une nouvelle au motif que la première serait entachée d’irrégularités ou d’insuffisances.

Les contestations relatives à ces irrégularités et/ou insuffisance relèvent du Juge du fond ; le Juge des référés ne pouvant, à ce stade, que demander au technicien de compléter ou expliciter son travail (article 245 du Code de procédure civile) ou bien encore, et sous certaines conditions, lui attribuer un complément d’expertiser destiné à compléter la première mesure.

Cette solution, qui s’inscrit dans le droit fil d’une jurisprudence constante (Voir notamment : Cass. Civ. 2ème, 22 février 2007, n° 06-16.085), a pour objectif d’éviter de multiplier à l’infini, les contentieux relatifs la preuve, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile.

5) Quelles sont les précautions à prendre lorsque l’on se rend à une expertise médicale

Lorsque la victime d’un évènement traumatique doit subir une expertise médicale destinée à recenser, lister, évaluer et quantifier les préjudices indemnisables dont elle souffre, celle-ci doit impérativement bénéficier de l’assistance d’un médecin-conseil de victime et d’un avocat intervenant en droit du dommage corporel.

Cette double assistance de la victime lors de l’expertise médicale lui offre les garanties indispensables pour que ses droits soient préservés et que ses préjudices soient correctement évalués.

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