Préjudice sexuel : l’atteinte morphologique aux organes doit être indemnisée (Cass. 1ère Civ. 28 novembre 2018)

Dans un arrêt du 28 novembre 2018 (lien ici), la Cour de cassation rappelle que le préjudice morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels de la victime d’un évènement traumatique (accident de la routeaccident sportifaccident de la vie courante, agressionerreur médicale, etc.) doit être indemnisé et ce, indépendamment du déficit fonctionnel.

Il s’agit de l’application du principe de réparation intégrale des préjudices, sans perte ni profit pour la victime.

Parmi les postes de préjudices dont la victime est fondée à demander réparation, figure le préjudice sexuel entraîné par l’événement traumatique.

Selon la Cour de cassation, fidèle à la définition qui en est donnée par la nomenclature DINTILHAC, le préjudice sexuel est caractérisé dans trois situations :

1) L’atteinte morphologique aux organes sexuels primaires et secondaires ;

2) La perte du plaisir lié à l’acte sexuel (perte de libido, perte de la capacité à réaliser l’acte, perte de la capacité à accéder au plaisir) ;

3) L’impossibilité ou la difficulté de procréer.

Dans ce cadre, les juges sont-ils fondés à rejeter la demande d’indemnisation d’un préjudice sexuel au motif que « le trouble indiscutable causé à l’intimité du couple par la nécessité de se soumettre à un parcours de procréation médicalement assistée constitue un préjudice temporaire déjà indemnisé dans le cadre du déficit fonctionnel temporaire et que l’impossibilité de procréer a été réparée au titre du déficit fonctionnel permanent », et ce, en faisant fi de l’atteinte morphologique aux organes sexuels primaires et secondaires ?

C’est la question qui se posait à la Cour de cassation dans l’espèce dont il s’agit.

Aux termes de la décision rendue le 28 novembre 2018, la Cour de cassation retient que « pour rejeter la demande de Mme X au titre d’un préjudice sexuel, après avoir relevé que celui-ci indemnise le préjudice morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels résultant du dommage subi, le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel et le préjudice lié à une impossibilité ou difficulté à procréer, en retenant que les experts n’ont pas fait état de ce préjudice et que le trouble indiscutable causé à l’intimité du couple par la nécessité de se soumettre à un parcours de procréation médicalement assistée constitue un préjudice temporaire déjà indemnisé dans le cadre du déficit fonctionnel temporaire outre que l’impossibilité de procréer a été réparée au titre du déficit fonctionnel permanent« .

La Cour d’appel de VERSAILLES, qui n’a donc, selon la Cour de cassation, pas recherché comme il le lui était demandé, si la victime avait éprouvé un préjudice morphologique lié à une atteinte aux organes sexuels et, le cas échéant, s’il avait déjà été réparé, a privé sa décision de base légale.

En l’espèce, la victime présentait une infertilité et des anomalies utérines et cervicales qu’elle imputait à la prise d’un médicament appelé « distilbène », par sa mère pendant sa grossesse (le distilbène est un œstrogène de synthèse qui a été prescrits à plus cent mille femmes enceintes en France entre 1948 et 1977, aux fins d’éviter les fausses-couches).

La victime a donc assigné la société pharmaceutique producteur du distilbène, dont la responsabilité a été retenue.

Parmi les postes de préjudice dont la victime sollicitait l’indemnisation figurait son préjudice sexuel.

La Cour d’appel n’a pas retenu l’existence de ce poste de préjudice en considérant que le rapport d’expertise médicale n’avait pas fait état de ce préjudice et que le trouble causé à l’intimité du couple par la nécessité de se soumettre à un parcours de procréation médicalement assistée constituait un préjudice temporaire déjà indemnisé dans le cadre du déficit fonctionnel temporaire, outre que l’impossibilité de procréer avait été réparée au titre du déficit fonctionnel permanent.

La victime s’est alors pourvue en cassation, reprochant notamment à la Cour d’appel de ne pas avoir tenu compte de l’aspect morphologique du préjudice sexuel lié à l’atteinte définitive aux organes sexuels.

La Cour de cassation a fait droit au pourvoi de la victime et cassé l’arrêt de la Cour d’appel de VERSAILLES sur ce point.

En effet, en dépit de l’absence de mention spécifique dans les rapports d’expertise judiciaire concernant cet aspect du préjudice sexuel, l’état de santé de la victime, du à l’exposition au distilbène in utero, comportait indiscutablement une atteinte morphologique définitive à ses organes sexuels.

Le préjudice sexuel doit donc être réparé dès lors qu’est caractérisée une atteinte morphologique aux organes sexuels de la victime et ce, en sus et indépendamment de la réparation d’un déficit fonctionnel permanent.

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