Préjudice esthétique temporaire et déficit fonctionnel temporaire doivent être indemnisés séparément (Cass. 2ème Civ. 04 février 2016)

Le 04 février 2016, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a rappelé l’autonomie du préjudice esthétique temporaire par rapport au déficit fonctionnel temporaire (Cass. 2ème Civ. 04 février 2016, n° 10-23.378), confirmant en cela un précédent arrêt rendu le 11 décembre 2014 (Cass. 2ème Civ. 11 décembre 2014, n° 13-28.774).

En l’espèce, une personne, victime d’un accident de la circulation, avait assigné le conducteur responsable ainsi que l’assureur de celui-ci en réparation de son préjudice corporel.

Dans le cadre de la liquidation des préjudices de la victime de cet accident de la route, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait jugé, aux termes d’un arrêt en date du 02 décembre 2009, que « l’indemnisation sollicitée au titre d’un préjudice esthétique temporaire (faisait) partie intégrante de l’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire ».

La Cour de cassation, au visa de l’article 1382 du Code civil et du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, censure la position de la Cour d’appel et réaffirme que « le préjudice esthétique temporaire n’est pas inclus dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel temporaire et doit être indemnisé séparément ».

Les notions et périmètres de ces deux postes de préjudices distincts peuvent, au regard de la nomenclature DINTILHAC, être définis de la manière suivante :

Préjudice esthétique temporaire

Ce poste de préjudice (qui est une création du rapport DINTILHAC) vise à indemniser le fait que la victime, avant que son état de santé ne soit consolidé, subit bien souvent des atteintes physiques, voire une altération de son apparence physique, certes temporaire, mais aux conséquences personnelles très préjudiciables puisqu’impliquant de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers.

Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice cherche à indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c’est à dire jusqu’à sa consolidation.

Cette invalidité (par nature temporaire) est dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle de la victime, laquelle est d’ailleurs déjà réparée au titre du poste « Pertes de gains professionnels actuels ». A l’inverse, elle va traduire l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu’à sa consolidation.

Le déficit fonctionnel correspond ainsi aux périodes d’hospitalisation de la victime, mais aussi à la « perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante » que rencontre la victime pendant la maladie traumatique (séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou d’agrément auxquelles se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique, etc.).

Quelques précisions complémentaires :

Monsieur Jean-Pierre DINTILHAC, ancien Président de la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation, avait été chargé, en 2005, par la Chancellerie, d’établir une nomenclature commune des préjudices corporels.

Cette nomenclature (dite nomenclature DINTILHAC), en répertoriant les différents postes d’indemnisation selon des définitions qui peuvent être communément admises et partagées, se veut être une sorte de « guide » de l’indemnisation et est devenue, depuis sa création, une référence majeure utilisée par l’ensemble des acteurs de l’indemnisation du dommage corporel (avocats, médecins, magistrats, etc.).

La remise du rapport DINTILHAC a ainsi permis une réelle amélioration de l’indemnisation des victimes en reprenant tous les postes de préjudices retenus par la jurisprudence et en remettant à plat tout ce que la pratique judiciaire avait apporté jusque là.

Et quand bien même cette nomenclature est officiellement dépourvue de toute force obligatoire, force est de constater qu’elle poursuit son intégration dans le droit positif, notamment par le biais de la Cour de cassation et de sa jurisprudence.

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