La question de l’impartialité de l’expert doit être soulevée avant l’exécution de la mesure d’expertise (Cass. 2ème Civ. 20 décembre 2018)

Par un arrêt du 20 décembre 2018 (lien ici), la Cour de Cassation rappelle que s’il existe des circonstances pouvant faire douter de l’impartialité d’un expert, celles-ci doivent être impérativement évoquées par les parties avant l’exécution de la mission d’expertise.

Selon les dispositions de l’article L 141-1 du Code de la sécurité sociale, les contestations d’ordre médical relatives à l’état du malade ou à l’état de la victime, et notamment à la date de consolidation en cas d’accident du travail et de maladie professionnelle, ainsi que celles relatives à leur prise en charge thérapeutique, donnent lieu à une procédure d’expertise médicale.

L’article R 141-1 du même Code précise que les fonctions d’expert ne peuvent être remplies par le médecin qui a soigné le malade ou la victime, un médecin attaché à l’entreprise ou le médecin-conseil de la Caisse.

Il s’agit là d’une application du principe général du droit à un procès équitable gravé dans le marbre de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, en son article 6, dont découle le principe de neutralité de l’expert judiciaire.

Une charte portant recommandations sur les bons usages entre avocats et experts en date du 18 novembre 2005 rappelle que « la mission de l’expert est de rechercher la vérité, ou en tout cas de s’en approcher le plus possible, pour la communiquer au juge, sans se départir de son obligation d’impartialité et d’objectivité dans ses avis techniques » et le dictionnaire juridique de l’Association Henri Capitant définit la posture de l’expert comme « une attitude d’impartialité grâce à laquelle, exempt de toute idée préconçue, il doit examiner avec la même attention les éléments favorables ou défavorables à chacune des parties  ».

Aussi, l’article 237 du Code de procédure civile insiste-t-il : « Le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ».

Dans le cas d’espèce, les questions qui se posaient notamment à la Cour de cassation étaient de savoir si la victime d’un accident du travail pouvait mettre en cause la partialité de l’expert désigné au motif que ce dernier était déjà intervenu antérieurement dans le dossier en qualité de médecin-conseil de l’assureur de l’employeur (et donc sous une autre « casquette »), et jusqu’à quel stade de la procédure la victime pouvait-elle encore soulever cette contestation ?

Aux termes de la décision rendue le 20 décembre 2018, la Cour de Cassation retient souligne tout d’abord que l’expert qui était intervenu antérieurement n’appartenait à aucune des catégories de praticiens expressément visées à l’article R. 141-1 du Code de la sécurité sociale dont la désignation entraîne la nullité de l’expertise.

Mais en tout état de cause, la Haute Juridiction précise que la circonstance pouvant faire douter de l’impartialité n’avait pas été alléguée préalablement à l’exécution de la mission d’expertise et rejette, en conséquence, le pourvoi de la victime sur ce point.

En l’espèce, un employé avait été victime d’un accident du travail le 27 août 2013. La Caisse primaire d’assurance maladie du Gard refusait la prise en charge de ses arrêts de travail au-delà du 27 octobre 2013 ; date à laquelle la victime devait être, selon la Caisse, considérée comme consolidée.

L’employé a exercé un recours sur ce point et une expertise médicale technique était mise en oeuvre aux fins de trancher la difficulté.

L’expertise médicale a été effectuée et la victime a ensuite contesté l’impartialité de l’expert désigné au motif que celui-ci avait précédemment déjà émis un avis en qualité de médecin-conseil de l’assureur de l’employeur.

De ce fait, l’employé victime prétendait que le médecin conseil pouvait être considéré comme « attaché à l’entreprise » au sens de l’article R 141-1 du Code de la sécurité sociale.

La Cour d’appel de NIMES a rejeté l’argumentation de l’employé en considérant que l’expert, mandaté par un assureur en qualité de médecin-conseil, avait examiné une première fois la victime dans le strict respect du code de déontologie médicale et avait adressé ce premier rapport à l’intéressé qui en avait donc connaissance, avant le choix du même médecin-conseil cette fois-ci en qualité d’expert, dans le cadre de l’application des articles L 141-1 et suivants du Code de la sécurité sociale.

La victime s’est pourvue en cassation qui a rejeté son pourvoi sur ce point.

La Cour de cassation a entendu souligner que toutes questions relatives à l’éventuelle partialité de l’expert doivent être soulevées avant l’exécution de sa mission.

Il s’agit là d’étendre, en matière d’expertise dans le cadre des dispositions du Code de la sécurité sociale, les dispositions de l’article 234 du Code de procédure civile relatives à toutes les mesures d’instructions techniques judiciaires, qui dispose que « la partie qui entend récuser le technicien doit le faire devant le juge qui l’a commis ou devant le juge chargé du contrôle avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de la récusation ».

En l’espèce, quand bien même le côté « multi-casquettes » de ce médecin-conseil aurait du l’inciter à se déporter, il n’en demeure pas moins que la victime aurait du soulever cette difficulté, dont elle avait parfaitement connaissance, avant que ne débutent les opérations d’expertise.

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Il convient de préciser qu’il n’est pas rare que les experts judiciaires effectuent parallèlement aux missions liées à cette charge, des missions d’expertise en qualité de médecin-conseil pour le compte de compagnies d’assurances.

L’on ne peut donc que conseiller à la victime d’un évènement traumatique (accident de la routeaccident sportifaccident de la vie courante, agressionerreur médicale, etc.) de consulter un avocat de victimes, intervenant régulièrement en matière de réparation du préjudice corporel, afin que celui-ci puisse déceler ce genre de difficultés et y remédier immédiatement.

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